Bernard Arnault, un prédateur discret
Le patron de LVMH veut utiliser les milliards dégagés par son groupe pour investir.
«C’est un homme extrêmement secret, timide, introverti», explique une personne qui l’a fréquenté dans des dîners parisiens. Ses «communicants» de l’agence DGM passent leur temps à refuser des interviews. Le Financial Times a mis deux ans à obtenir un entretien où Bernard Arnault commente ses goûts vestimentaires – sans surprise, il s’habille en Dior, fleuron historique du groupe LVMH.
«Il ne se livre pas, il garde toujours ses distances», commente Yves Messarovitch, qui l’a rencontré longuement pour une biographie*. Les rendez-vous se déroulaient dans la résidence du milliardaire à Saint-Tropez, une maison provençale «simple, chic et de bon goût». Selon le biographe, Bernard Arnault est toujours «sobre dans ses apparitions, presque minimaliste». Mais son «regard au laser» marque durablement ceux qui réussissent à l’approcher.
Promoteur dans les années 80
Car derrière la façade discrète se cache un redoutable prédateur des affaires. Né dans le nord de la France, Bernard Arnault n’est au début des années 1980 qu’un jeune promoteur immobilier ambitieux. Le groupe Férinel, issu de l’entreprise de travaux publics de son père, construit des maisons de vacances bon marché. C’est en 1984 que survient le coup de chance, ou de génie: le gouvernement socialiste de Laurent Fabius lui cède l’entreprise textile Boussac pour un franc (français) symbolique.
«Il s’est engagé à relancer Boussac, puis il l’a démantelé», rappelle Olivier Toscer, auteur d’un livre** qui relate cet épisode. Du groupe en perdition, Bernard Arnault ne garde que le joyau, la maison Dior, et le magasin Le Bon Marché. «Il a compris très vite qu’il pourrait bâtir un empire cohérent dans le domaine du luxe, mais il ne l’a dit à personne pour ne pas donner des idées», note Yves Messarovitch.
Le jeune millionnaire récupère alors le groupe pour un franc symbolique et en investit 40 millions, promettant qu’il ne démantèlera aucune entreprise. L’État lui offre par ailleurs pas moins de 750 millions de francs de subventions et les banques abandonnent 1 milliard de francs de créance. Hélas, Bernard Arnault a menti. Il n’a jamais eu l’intention de sauver toutes les sociétés concernées. Une seule l’intéresse vraiment : Dior. Toutes les autres seront rapidement vendues ou démantelées, mettant ainsi des milliers de salariés sur le carreau. Presque 8000 postes sont donc supprimés, décimant des bassins d’emploi entiers.
Mais peu importe, en quelques années, avec ce faible investissement, le jeune homme d’affaires se retrouve à la tête d’un pactole de 8 milliards de francs. Un immense capital de départ qui lui servira à mener le projet qu’il a toujours eu à l’esprit : bâtir un empire du luxe. C’est ainsi qu’il met la main sur LVMH à la fin des années 80, profitant des difficultés de la compagnie pour lancer une OPA sur elle. Petit à petit, l’appétit vorace de l’homme d’affaires le conduira à racheter une multitude d’entreprises pour asseoir définitivement sa position d’individu le plus riche de France, voire du monde.
Construire un autre récit de l’histoire
Évidemment, la réalité n’est en rien reluisante pour le milliardaire et la mauvaise publicité n’est jamais bonne pour le business. Bernard Arnault va donc s’affairer très vite à réécrire son histoire pour passer pour « self-made man »dont la réussite ne serait que le fruit du travail et de l’ingéniosité.
Pour redorer son image, mais aussi pour défendre ses intérêts, il décide donc d’acheter quelques médias. Il prend alors possession des journaux Le Parisien, Aujourd’hui en France, et Les Échos, ainsi que de Radio classique.Mais il place également des billes à Challenges, le magazine français qui réalise le classement des plus grandes fortunes au monde (et qui se charge de chanter leurs louanges par la même occasion).
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