Des Industriels comme Nestlé a ainsi caché la contamination de son eau.

Nestlé et d’autres industriels ont purifié illégalement de l’eau contaminée pour continuer de la vendre

Un employé inspecte la ligne de production de bouteilles de l'usine d'eau Nestlé à Contrexéville, dans l'Est de la France, le 23 mai 2017.
Un employé inspecte la ligne de production de bouteilles de l’usine d’eau Nestlé à Contrexéville, dans l’Est de la France, le 23 mai 2017. © AFP – Sébastien Bozon

Le journal Le Monde et la cellule investigation de Radio France ont découvert que plusieurs industriels du secteur agroalimentaire appliquaient à leurs eaux en bouteille des traitements interdits. Parmi eux, Nestlé qui a ainsi caché la contamination de son eau.

Lorsqu’une information nous indispose, feignons d’en être les organisateurs. Dans un article intitulé “Perrier, Vittel, Contrex : Nestlé fait son mea culpa”, le journal Les Échos révélait le lundi 29 janvier 2023 que “pendant des années, Nestlé avait enfreint la réglementation pour maintenir la sécurité de ses eaux”. Cette opération “mea culpa” de la part de la multinationale a en réalité été orchestrée par ses équipes de communication.

Nestlé a feint de jouer le jeu de la transparence médiatique parce qu’elle savait, à travers les questions que nous lui avions envoyées, que Le Monde et la cellule investigation de Radio France s’apprêtaient à publier une enquête embarrassante révélant la nature de ses pratiques.

Une étrange réunion

Le point de départ de cette enquête est une réunion interministérielle qui a eu lieu en février 2023, sous la houlette de Matignon, et des ministères de l’Économie et de la Santé. Au menu des discussions : l’entreprise Nestlé et ses sites français de production d’eaux en bouteille. Dans le compte-rendu de cette réunion, que Le Monde et la cellule investigation de Radio France se sont procuré, il est question de plans “d’actions” et de “transformation” des usines de conditionnement d’eau de Nestlé, et de “surveillance renforcée bactériologique et virologique de la qualité de l’eau”.

Désinfection interdite

Issue d’une directive européenne, la réglementation interdit toute désinfection des eaux minérales qui doivent être naturellement de haute qualité microbiologique, contrairement à l’eau du robinet qui est, elle, désinfectée avant de devenir potable.

Une réglementation dont l’interprétation exclut les traitements ultraviolets et les filtres au charbon actif auxquels a eu recours Nestlé Waters. Mais l’entreprise justifie le recours à ces techniques par les « évolutions de l’environnement autour de ses sources, qui peuvent parfois rendre difficile le maintien de la stabilité des caractéristiques essentielles » de ses eaux, autrement dit leur absence de pollution.

Depuis Mérens-les-Vals en Ariège, Eau Neuve est la première entreprise à proposer des bouteilles d’eau recyclées, recyclables et bio-sourcées en carton. L’eau est aussi disponible en canette, en bouteille alu ou verre. Un succès commercial mais surtout un pari philosophique réussi

« Différents éléments chimiques ou microbiologiques », qui s’amoncellent au « passage de l’eau dans les nappes souterraines ou à travers son cheminement dans les tuyaux de l’usine », ont exigé l’usage de ces filtres, avance Muriel Lienau, présidente de Nestlé France, dans un entretien avec l’AFP. Ces pratiques étaient un « héritage du passé », juge Muriel Lienau, qui affirme ne pas pouvoir dater précisément leur introduction.

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Des puits sensibles aux aléas climatiques

Nestlé Waters a décidé en 2021 d’informer les autorités sanitaires de leur recours à ces techniques de filtration. Les autorités lui ont confirmé que les ultraviolets et le charbon actif pouvaient être interprétés comme de la désinfection, contrairement aux microfiltrations que Nestlé continue d’utiliser.

En accord avec les autorités, l’entreprise met fin à ces traitements, l’obligeant à fermer quatre de ses puits dans les Vosges qui ne pouvaient « garantir les caractéristiques essentielles de l’eau minérale ». Les puits fermés, rattachés aux marques Hépar et Contrex, étaient particulièrement sensibles aux aléas climatiques – « après de grandes sécheresses, de fortes pluies les perturbaient » -, explique ainsi Muriel Lienau. Ces fermetures ont entraîné une division de la production d’Hépar par deux.

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Concernant Perrier, Nestlé a dû réallouer certains des puits dans le Gard vers la production d’une nouvelle marque d’eaux aromatisées et de boissons énergisantes, Maison Perrier, qui n’est donc pas soumise à la réglementation sur les eaux minérales.

Manque de transparence et plan social

Dans un communiqué, le syndicat CGT du groupe explique n’avoir jamais été informé « du procédé de traitement de l’eau ». Les élus CGT « vont regarder les différentes possibilités qu’ils ont juridiquement par rapport à d’éventuelles actions sur ce manque de transparence évident vis-à-vis des CSE ». Le comité social et économique est l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise.

Olivier Alméras, secrétaire général du syndicat CGT à la source Perrier de Vergèze (Gard), se satisfait toutefois de la stratégie de réallocation de puits aux boissons vendues sous la marque Maison Perrier : « Ces puits utilisés ne peuvent que rassurer les salariés puisqu’ils permettent de produire davantage. Maison Perrier reste, pour nous, une marque Perrier, qui rajeunit, travaille son marketing, et donc assure nos emplois », explique le délégué.

« Cela ne nous étonne pas qu’ils aient été contraints de filtrer cette eau pour garder sa composition (minérale) qui doit être stable », a réagi Bernard Schmitt, un ancien médecin, membre du collectif « Eau 88 », qui ferraille contre ce que ses membres estiment être une surexploitation par Nestlé des nappes locales. « C’est une entreprise qui fait ce qu’elle veut et personne n’a les moyens de contrôler ce qu’elle réalise », a-t-il critiqué. « Pour moi, il y a plus qu’une défaillance des contrôles, il y a un abandon […] de l’État, des pouvoirs successifs » depuis des années, a-t-il encore estimé.

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