Une aberration économique et écologique

« La généralisation des voitures électriques est une aberration économique et écologique »

Maxime De Blasi, essayiste, auteur-compositeur-interprète, ancien professeur de génie électrique et élève de l’ENA, démontre que remplacer les véhicules à essence ou diesel par des voitures électriques n’est en rien écologique.

Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a proposé aux États-membres de l’Union européenne d’interdire en 2035 les ventes de véhicules neufs à essence ou diesel, au profit des véhicules 100 % électriques ou à hydrogène. Son plan s’inscrit, selon elle, dans une politique qui vise la neutralité carbone d’ici 2050. Ainsi, il s’agirait de passer de 8 % des ventes actuellement à 100 %, les véhicules hybrides – qui représentent 10 % des ventes – étant proscrits.

Certes, ce n’est qu’un plan qui devra être approuvé par les 27 États-membres puis le Parlement européen. Mais il est représentatif d’une idéologie pseudo-écologique qu’on voit fleurir en matière d’éoliennes, de vélos électriques et autres, qui arrange à la fois les politiques qui se sentent sommés d’agir médiatiquement même contre toute logique et… les constructeurs automobiles qui saisissent une opportunité de se parer de vert. Par contre, pour les consommateurs et la planète, c’est une autre histoire. Récit et démonstration des hérésies d’une idéologie où l’État, le consommateur et surtout l’environnement sont perdants.

Impasse du tout-électrique

Le tout-électrique ne diminuera le total des émissions de GES [gaz à effet de serre] que de moins de 1 % par an, avec un impact nul ou presque sur la santé. En France, les transports sont responsables du tiers des émissions de GES. Au sein des transports (route, aérien, maritime, rail), la route est responsable de 75 % des émissions. Il y a actuellement un million de ventes de voitures neuves 100 % électriques dans l’Union européenne (UE), ce qui représente 7,5 % du total des ventes. Il s’agirait donc de passer à 15 millions de véhicules électriques vendus annuellement en 2035. Remarquons d’emblée que l’interdiction des voitures neuves à moteur thermique ne changera pas grand-chose en termes d’émissions car les 300 millions déjà en circulation dans l’UE ne seraient pas concernés. En outre, le secteur sensible du fret, qui représente le quart des émissions de GES de la route, a été « sagement » évité par la Commission.

De plus en plus présentes dans l’offre des voitures neuves, les motorisations électriques tentent une percée dans le milieu des voitures anciennes. Mais celles-ci roulant très peu, on se demande quel intérêt cela peut revêtir…

Le rétrofit électrique, une mode écologiquement aberrante

Renault en fait des tonnes sur son imminente R5 électrique, au point de commercialiser dès maintenant un rétrofit sur son inspiratrice, apparue en 1972. En clair, le losange propose, via la société R-Fit, d’électrifier une vieille R5, qu’on lui fournit, une opération qui coûte la modique somme de 21 900 € avant les aides gouvernementales.

D’autres spécialistes proposent ce genre conversion, où l’on retire un moteur thermique pour le remplacer par un l’électrique, sur des Twingo 1, des Fiat 500, voire carrément des modèles de collection, comme la Citroën 2CV Peugeot 504 coupé/cabriolet ou la Porsche 911, en passant par la VW Coccinelle. L’argument serait double.

Chez Jaguar, en 2019, on a envisagé de commercialiser la Type-E Zero, dont le bloc XK a été remplacé par un moteur électrique. Avant de renoncer à cette idée pour le moins étrange...
Chez Jaguar, en 2019, on a envisagé de commercialiser la Type-E Zero, dont le bloc XK a été remplacé par un moteur électrique. Avant de renoncer à cette idée pour le moins étrange…

D’une part, ce rétrofit permettrait de rouler sans pâtir des restrictions de circulation infligées aux voitures considérées comme polluantes, dans les ZFE. Seulement, une carte grise collection offre les mêmes avantages que cette opération dans la quasi-totalité des agglomérations françaises. Et ne coûte pratiquement rien ! Donc, dans le cas d’une ancienne (30 ans et plus) utilisée de façon non commerciale, le rétrofit n’apporte aucune facilité supplémentaire. Seulement l’usage commercial (livraisons, locations) est interdit pour les autos dotées de cette carte grise. Donc, si on souhaite rouler en ancienne dans ce cadre-là, en ZFE, alors oui, le rétrofit s’impose.

La Renault 5 R-Fit se contente de 80 km d'autonomie et sa seule conversion électrique coûte 15 900 € aides déduites...
La Renault 5 R-Fit se contente de 80 km d’autonomie et sa seule conversion électrique coûte 15 900 € aides déduites…

D’autre part, certains tentent de faire croire que mettre au rebut un bloc thermique fonctionnel pour lui substituer un thermique serait écologique, au prétexte que ce dernier n’émet pas de gaz à l’usage. Ils ne se posent pas la question de l’utilisation des ressources terrestres ! De plus, la fabrication des batteries lithium-ion n’a rien de vert. Bien au contraire ! L’extraction des métaux (lithium, nickel, manganèse, cobalt) nécessaires à leur constitution est un désastre environnemental. Ensuite, leur production en usine est un processus complexe et très émetteur de CO2. Selon conseil Carbone 4, la création d’un accumulateur lithium-ion émettrait entre 77 et 221 kg de CO2 par KWh.

La production de batteries lithium-ion engendre beaucoup de pollution et d'émissions de CO2, rendant écologiquement hasardeux le rétrofit électrrique.
La production de batteries lithium-ion engendre beaucoup de pollution et d’émissions de CO2, rendant écologiquement hasardeux le rétrofit électrrique.

Prenons une valeur assez optimiste de 100 kg par KWh. Cela revient à dire que produire une petite batterie de 10,7 KWh, telle que celle utilisée par Renault pour sa R5 « Rétrofit » engendre 1,7 tonne de CO2. Procédons maintenant à un petit calcul. La combustion d’un litre d’essence émet 2,3 kg de CO2, et une R5 GTL consomme en moyenne 6,0 l/100 km. Donc, elle rejette près de 14 kg de CO2 tous les 100 km.

Ceci posé, on peut ensuite évaluer qu’il faudrait à son équivalent « Rétrofit » 12 140 km pour amortir la fabrication de sa batterie. Sachant qu’une auto de collection roule en moyenne 1 000 km par an, parvenir à ce résultat prend 12 ans. Voire 22 ans dans le cas d’une batterie dont chaque KWh produit a émis 200 kg de CO2. Et encore, on n’a pas pris en compte les émissions induites par la création du moteur électrique, des câbles, du chargeur ni des systèmes de contrôle !

Lormauto propose en LOA une Twingo rétrofitée, en la présentant comme écologique. Vu la pollution engendrée par la production de sa batterie de 16 kWh, ce n'est vrai qu'après au moins deux ans d'un usage standard. Jouable.
Lormauto propose en LOA une Twingo rétrofitée, en la présentant comme écologique. Vu la pollution engendrée par la production de sa batterie de 16 kWh, ce n’est vrai qu’après au moins deux ans d’un usage standard. Jouable.

En somme, du point de vue du réchauffement climatique, il est aberrant d’équiper une ancienne telle que celle que j’ai prise comme exemple d’un moteur électrique ! Or, c’est l’une de celles dont l’impact sur l’environnement est le plus faible. En effet, des spécialistes du rétrofit installent des batteries de 40 kWh dans des modèles plus vastes et cher : je vous laisse faire les calculs pour savoir le nombre de décennies avant qu’ils ne deviennent rentables écologiquement…Là encore, l’opération n’est valable que pour un usage commercial.

Après, chacun voit midi à sa porte. On peut aimer le charme d’une voiture classique et la facilité d’usage d’une motorisation électrique, sans entretien et sans caprices. Pourquoi pas ? Mais ceux qui font ça auraient tort de se penser vertueux écologiquement.

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