Rouler au plastique
Créer du carburant à partir de plastiques usagés
Mieux que enfouir ou brûler.
D’après une étude publiée en juillet 2017 dans la revue Science Advances, on aurait atteint les 8,3 milliards de tonnes de plastiques entre 1950 et 2015, parmi lesquelles 6 milliards de tonnes se sont accumulées dans les décharges, la nature et les océans. Une tonne c’est beaucoup. Ça fait plus d’une tonne par habitant de la terre, dont presque 80 % reste dans l’environnement.
En effet, seulement 9 % des déchets plastiques sont recyclés, 12 % sont incinérés et 79 % s’entassent sous terre, dans les rivières et les fleuves, ou finissent dans la mer (cf. france24.com).
Il s’agit essentiellement de déchets en polypropylène ou polyéthylène dont la collecte, le tri et le recyclage sont davantage complexes. Mais comment mettre fin à cette pollution plastique ? De nombreuses associations, entreprises et inventeurs se sont penchés sur la question. Bien qu’elle ne soit pas encore résolue, certaines structures ont mis en place un procédé pour créer du carburant à partir de plastiques usagés.
Une valorisation énergétique des déchets plastiques
Le plastique est fabriqué essentiellement à partir de pétrole grâce à un processus de polymérisation qui consiste à mélanger plusieurs monomères en polymères. Il est notamment utilisé pour la fabrication du plastique à usage unique qui finit souvent sa vie dans la nature et la mer.
Il existe pourtant un procédé qui permet de ramener le plastique à son état initial pour ainsi le transformer en carburant. Il s’agit de la pyrolyse (ou thermolyse). Connu depuis le XVIIIe siècle, ce procédé consiste à porter un matériau à très forte température tout en le privant d’oxygène, l’empêchant donc de s’enflammer, et de l’amener à se dégrader en éléments solides, liquides ou gazeux. Il était notamment utilisé dans la production de charbon à partir du bois dans le milieu de l’industrie.
La pyrolyse ne produit pas de gaz toxiques (dioxine), contrairement à l’incinération, ce qui rend le processus moins dangereux pour l’environnement et la santé. D’après un article publié dans Actu-Environnement, le plastique est chauffé à environ 450 degrés pour le décomposer entièrement et le transformer en vapeur de masses divergentes. La pyrolyse permet ainsi de récupérer 65 % de gazole, 18 % d’essence, 10 % de gaz et 7 % de résidus de carbone (chiffres donnés sur novethic.fr).
Le plastique transformé est alors utilisé dans les groupes électrogènes, les systèmes de chauffage, les moteurs des véhicules, les fabrications de mines de crayons, etc. C’est finalement une autre façon de recycler des déchets plastiques.
Une nouvelle forme de recyclage
En 2018, seulement 9 % du plastique a pu être recyclé d’après une étude américaine publiée sur Science Advances. Cependant, le plastique ne se recycle pas intégralement. En réalité, il y a des pertes énormes tout au long de la chaîne de recyclage selon la journaliste d’investigation de Cash Investigation, Sandrine Rigaud, qui situe ces dernières entre 20 et 40 % pour l’année 2018 (cf. natura-sciences.com).
Le plastique continuerait donc d’avoir un impact très négatif sur l’environnement. De même, le recyclage de certains plastiques se révèle extrêmement dangereux pour la santé, notamment ceux qui contiennent des retardateurs de flamme, car ils rejettent des substances toxiques dans l’environnement. Cela s’expliquerait avant tout par la négligence des usines à respecter la valeur maximum de contamination de 2 000 ppm (2 g/kg) pour les plastiques recyclés. Cela reste cependant à prouver, car les usines françaises ont refusé de communiquer leurs analyses aux journalistes. D’après Olivier Guichardaz, rédacteur en chef de Déchets Infos, 30 tonnes de molécules organiques persistantes contaminent la chaîne de recyclage des plastiques chaque année en France (cf. natura-sciences.com).
La pyrolyse permettrait ainsi d’éviter les pertes de matières plastiques durant la chaîne de recyclage, mais également de transformer tous les matériaux qui ne se recyclent pas en carburant. Il s’agit de déchets en polypropylène (PP) ou polyéthylène (PE) comme les sacs plastiques, les bâches, les filets, les pailles ou encore les seaux que l’on retrouve énormément sur les plages et dans les océans (cf. sciencesetavenir.fr). La pyrolyse ne peut cependant pas traiter le polyéthylène téréphtalate (PET), qui se trouve être le plastique des bouteilles, ni le polychlorure de vinyle (PVC), qui se trouve être celui des canalisations (cf. leparisien.fr).
Dans un article paru sur Radio-Canada en 2019, le président de Sparta Group, John O’Bireck, explique que la pyrolyse est la meilleure solution pour réduire considérablement la quantité de déchets plastiques. Il est plus envisageable de transformer ces derniers en carburant pour faire rouler des véhicules plutôt que de les enfouir sous terre. Keith Brooks, le directeur de programme pour le groupe Environmental Defence, est plus sceptique. Il craint que ce nouveau procédé n’entretienne une économie basée sur l’extraction des ressources premières et le gaspillage des produits plastiques. Il estime que l’on devrait utiliser davantage de ressources renouvelables, mais avoue toutefois que ce problème est en grande partie la responsabilité des entreprises qui fabriquent les produits. En effet, il est davantage polluant de recycler que de produire autrement, mais c’est aussi meilleur pour le PIB. Le plastique demeure donc un enjeu de lobbying ainsi que le dévoile l’article de Natura-Sciences.
Les premiers essais des entreprises
D’après la journaliste Emmanuelle Vibert, spécialisée dans l’écologie, dans un article diffusé dans LE PARISIEN, de nombreuses entreprises ont déjà implanté des usines de transformation des plastiques usagés en hydrocarbure, en diesel ou en essence. Il s’agit notamment des sociétés indiennes et britanniques Agile Process Chemicals (35 usines en Inde et au Kenya) et Recycling Technologies (une entreprise installée en Écosse).
En France, la pyrolyse est expérimentée dans les Alpes-Maritimes depuis mai 2020. Elle permet d’alimenter chaque jour un camion poubelle et un camion grue en carburant, et ce, grâce au prototype de l’association Earthwake. La machine, appelée Chrysalis, est capable de traiter 40 kilos de plastiques qu’elle transforme, en un seul jour, et produit 120 litres de diesel par 160 kilos de matière récoltée (cf. leparisien.fr).
Ce procédé fait cependant débat, notamment en Australie, où la construction d’une usine à Canberra a provoqué la colère des riverains qui craignaient les émissions de CO2 générées par la transformation du plastique en pétrole. François Danel, le directeur de l’association Earthwake, a lui-même avoué que cette technique n’est pas tout à fait écologique. Cependant, elle pourrait permettre de diminuer drastiquement le nombre de déchets plastiques présents dans la nature et d’alimenter des groupes électrogènes dans des zones du monde où il est encore difficile d’avoir accès à l’énergie, en attendant la diffusion de solutions plus propres (cf. leparisien.fr).
Sources :
Esprit planète – https://espritplanete.com/les-dechets-plastiques-le-carburant-de-demain
Actu-Environnement – https://www.actu-environnement.com/ae/news/production-carburant-dechets-plastique-earthwake-chrysalis-35904.php4
Natura-Science – https://www.natura-sciences.com/environnement/plastique-la-grande-intox-cash-investigation.html
Sciences et Avenir – https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/developpement-durable/un-dispositif-pour-transformer-le-plastique-en-carburant_130347
Le Parisien – https://www.leparisien.fr/societe/l-art-de-recycler-le-plastique-en-carburant-31-10-2018-7927044.php
Radio-Canada – https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1259107/transformation-dechets-usage-unique-carburant-projet-pilote-whitby
Le Parisien – https://www.leparisien.fr/societe/l-art-de-recycler-le-plastique-en-carburant-31-10-2018-7927044.php
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